Les Libres est un documentaire qui nous plonge dans la vie de quatre détenus à l’aboutissement de leur peine d’incarcération. C’est dans une usine de transformation du bois que Pierrot, Samuel, Steeve et Frédéric entameront un dernier droit de six mois avant de tenter de se retrouver un emploi et de réintégrer la société.
Est-ce qu’une usine de palettes de bois peut faire d’eux des humains transformés ? Ces détenus ne seront-ils jamais des hommes libres ?
Ce long métrage répond à ces questions à travers le regard de ces individus qui expriment leurs motivations et leurs craintes, au cours d'un programme fondamental dans une perspective de réhabilitation sociale.
Au Canada, environ 4 200 000 personnes ont un casier judiciaire.
Coupable de meurtre, d’agression armée ou de vol, il n’y a pas de gradation dans le type de casier judiciaire.
Même avec une demande de pardon, les personnes judiciarisées traînent leur casier judiciaire jusqu’à 125 ans.
Il y a 19 prisons provinciales au Québec, dont deux pour femmes. C’est là que séjournent les individus qui purgent une peine de moins de deux ans et ceux qui sont en attente de procédures judiciaires.
Au Canada, il y a 53 pénitenciers, dont 10 au Québec. Cinq d’entre eux sont destinés aux femmes. Les personnes qui s’y trouvent purgent des peines de deux ans et plus.
Stagem est une petite usine de transformation du bois située à Roberval au Lac-Saint-Jean. L’équipe y accueille chaque année des travailleurs judiciarisés dans leur processus de réhabilitation. Ces personnes peuvent choisir d’obtenir un diplôme d’études professionnelles (DEP) en opération d’équipement de production au terme de leur parcours dans l’usine. En 2018-2019, 17 participants ont obtenu leur diplôme.
Samuel est passionné par les moteurs : c’est d’ailleurs ce qui le motive à se prendre en main. Le jeune homme veut absolument retrouver sa liberté, ce qui passe pour lui par son permis de conduire. Samuel n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice, mais cette fois-ci, il est plus déterminé que jamais à se prendre en main. Il veut tout apprendre chez Stagem, tellement qu’il oublie parfois les autres autour de lui.
Pierrot a tout un défi : prendre soin de sa santé. L’homme arrive chez Stagem en mauvaise condition physique, ce qui le limite dans les travaux à exécuter. Toutefois, il ne se laisse pas abattre et met tous ses efforts dans la réussite du programme de transformation du bois. Bien qu’il dépasse les autres participants en âge, il réussit à s’intégrer grâce à son désir de recouvrer sa liberté.
Frédéric est un employé régulier chez Stagem. Chaque jour, il supervise la chaîne de production où évoluent les participants du programme de réhabilitation sociale. Son fort caractère lui vaut parfois quelques accrochages, mais il lui permet aussi de s’imposer comme leader. Celui qu’on surnomme Fred est passé par là avant eux, il comprend mieux que personne le chemin difficile qu’ils empruntent.
Alain accompagne les participants de Stagem depuis de nombreuses années. Pour lui, bien que le but du programme soit de transmettre un savoir-faire aux participants, le plus important est qu'ils repartent avec un savoir-être. Tout au long de leur parcours, il les rencontre pour parler de leur progression – ou encore de leur régression. C’est en partie grâce à lui que de nombreuses personnes évoluent au rythme du bois qu'elles transforment.
En détention, le salaire d’une personne est fixé à 35% du salaire minimum. 45% de ce montant lui est versé pour ses dépenses à l’interne, 45% va dans un compte pour préparer sa libération et le reste est remis au Fonds de soutien à la réinsertion sociale.
Sur la ferme de mon père, nous profitions des hivers longs pour bûcher et défricher la terre qui servirait à la culture maraîchère. Les matins de ces journées froides, une fourgonnette de la prison de Roberval venait déposer deux, parfois trois détenus pour nous aider à faire les travaux, à faible coût. J’étais évidemment intimidé par eux et par la procédure lors de leur arrivée, mais une fois en forêt, avec seulement mon père et ces hommes, nous avions tous un travail à faire et chacun semblait y trouver ses raisons d’être à cet endroit. Tout le monde me paraissait être à sa place, à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur, profitant d’une nature dormante et, au moment de l’arrêt des scies mécaniques, d’un silence hivernal.
Dans mon imaginaire, ces gens étaient libres un instant, et ils le seraient complètement lors de la fin de leur mandat. Mais est-ce vraiment le cas? Sommes-nous libres dès le passage de la porte d’un établissement de détention? Quand j’ai appris l’existence d’une usine telle que Stagem, j’étais très curieux de voir comment une personne chemine vers la liberté. Quelles sont les chances qui lui sont données, et comment on arrive à être pardonné, libre et de nouveau pouvoir entreprendre une vie? Ce sont ces questions qui ont dirigé la production du film, tant dans la recherche de personnages que des images.
Nous n’avons pas cherché à revenir de manière exhaustive sur leur passé, les crimes commis et les raisons de l’incarcération. Tout comme le font les intervenants et les criminologues qui les accompagnent dans le début de leur vie nouvelle, nous nous sommes intéressés à partir du moment présent, de leur entrée à l’usine et de tous les défis auxquels ils doivent faire face, aux questions auxquelles ils doivent répondre et aux conditions strictes et aux conséquences sévères en cas de déroute.
Le tournage s’est déroulé sur une année entière, à la recherche d’un personnage qui pourrait terminer le programme de six mois. Certains sont disparus sans laisser de traces, d’autres sont retournés entre les murs, et quelques-uns sont restés en contact avec moi. Grâce à la confiance que m’a témoignée le conseil d’administration de Stagem, j’ai eu accès aux clés de l’usine toute l’année durant, me permettant de vous raconter cette histoire. J’ose espérer qu’elle permettra de combattre les préjugés envers les personnes judiciarisées et au sens plus large, les personnes marginalisées.
Nicolas Lévesque
Le taux de récidive chez les anciens détenus avoisine généralement les 50% à Montréal. Il descend à 10% chez les participants d’un programme comme celui de Stagem.
Nicolas Lévesque est un photographe et cinéaste canadien. Ses projets documentaires l’ont amené à documenter diverses parties du monde et chez lui, au Québec et au Canada, où sa curiosité l’a conduit vers des intérêts humains et des films axés sur les personnages. Son travail photographique fait l’objet d’expositions et de projets d’éditions primés telles que LUTTE (Editions la Peuplade) et Derniers Souverains (Editions Poètes de Brousse). Son film documentaire In Guns We Trust a été récompensé au Festival international du film de Toronto en 2013, ainsi que Entrevue avec un homme libre, en 2015, produit par l’Office national du film du Canada. Après son documentaire Chasseurs de phoques (2018), il signe son premier long métrage documentaire, Les Libres (2020), suivant la libération de détenus en quête d’une nouvelle vie, dans une usine de bois. Depuis 2010, il collabore avec Télé-Québec, TV5, RDI et Radio-Canada (CBC) dans la production de documentaires pour la télévision.
Au Centre de détention de Roberval, chaque détenu coûte 167 170 $ par année, soit 458 $ par jour. Il s’agit de la prison la plus récente de la province, mais aussi de la plus coûteuse. En moyenne, un détenu coûte 259 $ par jour, soit 94 535 $ par année.